Unexpected et Midnight Mood Studio se sont associés pour la sortie de Antioch: Scarlet bay, un jeu narratif en coopération jouable à deux de manière asymétrique et cross-plateformes.
Nous avons pris le temps de discuter avec FibreTigre, concepteur narratif du jeu, afin qu'il vous convainque que jouer à Antioch, ça vaut le coup.
Quel est ton rôle sur Antioch ?
Pour répondre à cette question il faut comprendre la genèse du jeu : j’ai été jury de fin d’année d’école de l’équipe qui a fait Antioch. Ils ont produit un jeu remarquable, avec un concept fort, qu’ils n’ont malheureusement pas publié, mais je leur ai laissé mes coordonnées.
Par la suite ils m’ont contacté pour qu’on travaille ensemble. Je leur ai pitché une vingtaine de concepts. L’un d’entre eux s’appelait Romantic Adventures. En effet à l’époque je me retrouvais célibataire et j’ai tenté ma chance sur Tinder. J’ai trouvé que l’appli était plutôt chiante et je me suis dit : ce serait cool si on pouvait jouer à deux, un peu comme dans Journey, et si ça colle bien, qu’on se rencontre.
Romantic adventures, c’était ça : tu vivais une petite aventure, comme un braquage par exemple, et tu échangeais avec un autre joueur qui faisait l’aventure avec toi, et si le courant était bien passé, tu pouvais lui demander son mail.
Lors des playtests il s’est avéré que les gens étaient beaucoup plus intéressés par la partie aventure que la partie rencontre. Notre éditeur de l’époque nous a suggéré d’en faire un polar.
J’ai donc écrit la structure narrative et imaginé les principes structurants du jeu, qui est un open world qui s’ouvre petit à petit. Faire un jeu d’aventure à deux joueurs asynchrone nécessite quelques trucs techniques et la structure de narrative design empiète sur l’écriture des dialogues eux-mêmes, que j’ai aussi écrits. On peut donc répondre que j’ai effectué un solide travail de narrative design dans son acception la plus complète.
Derrière cette déclaration, il y a le respect du travail considérable de midnight mood : faire un jeu multijoueur à distance est toujours un défi technique, et ce n’est qu’un aspect de leur travail.
Est-ce que tu peux nous teaser Antioch en une phrase ?
C’est un jeu d’aventure qui se joue à deux et qui vous fera rire.
Quels sont les sentiments que tu veux déclencher chez les joueurs avec Antioch ?
Vraiment ? Vous êtes avec votre meilleur pote ou votre petit.e ami.e ou votre crush. Vous pouvez mener une enquête ou passer la nuit dans des restaus à vous raconter des blagues.
Vous allez passer un bon moment et rire. Et qui sait, sauver la ville ?
Peux-tu nous rappeler la période d’Antioch et pourquoi tu l’as choisie ?
1986. C’est une période intéressante car les 80’s sont plutôt à la mode mais sublimées par une esthétique Stranger Things. C’était une époque plutôt nulle, très raciste, sans internet, pleine de tabac et d’alcool, hantée par le SIDA. Je voulais la désenchanter, ce qui me semblait un angle intéressant.
L’absence d’internet et de portables résout beaucoup de problèmes narratifs dans les polars. Cela permet d’avoir des actions moins directes.
Pourquoi le genre policier ?
Ce n’est pas n’importe quel policier : c’est le policier à la française, le Maigret. On entre chez les gens, on mange avec eux, on papote. On trouve le criminel, et on décide de lui pardonner, car la vie est complexe.
Ce n’est pas un whodunnit britannique ou un polar gumshoe ou hardboiled à l’américaine.
C’était l’occasion de parler de la France.
Quelle est la place de l’humour dans Antioch ?
Très importante. On peut beaucoup taquiner son partenaire ou raconter des choses stupides et c’est très agréable.
Comment on donne une personnalité à un personnage qui est fait pour être interprété par les choix d’un joueur ?
Les personnages sont un peu des coquilles vides au départ, on a juste un véteran et un bleu. Par exemple le vétéran peut devenir, suivant ses choix, un sage, amoureux de poésie, qui veut transmettre le métier, ou au contraire un type amer et raciste, un ripoux qui extorque de l’argent quand il le peut. Ou quelque part entre les deux. Tout le monde est complexe.
Dans Antioch, le dénouement se construit face à cette construction personnelle. Les voyous ne vont pas au paradis.
Comment t’organises-tu pour créer une histoire avec autant d’embranchements ?
Ça fait 22 ans que je fais ce métier. Maintenant, je me mets juste à écrire et je le fais : je n’utilise pas de schémas ou autre. Cela perturbe parfois les équipes avec qui je bosse, et il faut un travail de confiance humaine.
Qu’est-ce qui te plaît dans l’écriture des personnages singuliers que tu crées ?
J’aime mes joueurs. Je veux les faire rêver et leur apporter des histoires, si possible des notions pédagogiques. Qu’ils ressortent du jeu heureux, émus si possible, et plus cultivés.
Antioch est un jeu sur lequel tu as commencé à travailler il y a longtemps, quel impact Antioch a eu sur toi en tant qu’artiste ?
J’ai trouvé de nouvelles façons d’articuler des embranchements. Aujourd’hui je me sens prêt pour un Antioch en temps réel asynchrone (je sais ça a l’air paradoxal, mais….) et surtout avec 4 ou 10 joueurs. Tant de projets de jeux, si peu de temps…
Si tu pouvais revenir dans le passé, qu’est-ce que tu changerais dans Antioch ?
Je n’aurais pas écrit Antioch et je serais allé faire l’amour à plein de femmes. Antioch est disponible sur Steam, Android et iOS à partir du 25 Novembre.
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